
J’écoute ce matin un écrivain, Michel Bernard, s’entretenir avec Alain Finkielkraut qui fut mon professeur, et que j’écoutais trop peu quand il le fut. Michel Bernard parle de la commande faite par la mairie au XIXème siècle d’une oeuvre célébrant le courage des bourgeois de Calais, eux qui furent sommés de livrer les clés de la ville, emmenés par le plus riche d’entre eux, Eustache de Saint Pierre, corde au cou et vêtus de bure, attendant leur exécution de la main d’Edouard VIII.
Cet écrivain dit comment la fin du XIXème siècle fut, comme la notre, une de ces périodes où la politique avait dévoré la vie entière : on trouvait un peu fort que des bourgeois fussent célébrés plutôt que des manoeuvres. Le monde avait changé et la région entrait dans l’ère industrielle suivie de son cortège de peine et de peuple, la fin du scrutin censitaire datait de 1848, la commune de Paris de 1871. Le maire de droite commanda en 1884 l’oeuvre à Rodin ; celui qui lui succéda quelques mois plus tard, élu de gauche, confirma la commande. Il le fit puisque à ses yeux, on ne choisissait pas, ni les faits, ni l’identité des héros, ni le lieu de la grandeur.
Il s’agirait de déplacer le langage de temps à autre afin de faire apparaître ce qui se trouvait dessous et qu’on avait oublié. Parmi ces choses placées sous le socle, on comptera l’existence d’idées charnelles plus grandes que l’on doit sans doute aux défunts tournés vers la vie. On y ajoutera la continuité qui retient nos prétentions par la manche avant qu’elles ne montent dans le train du jour, quelque fut son terminus de bonnes nouvelles. Et on considérera le choix fertile ne pas voir dans l’oeuvre de Rodin, ni des bourgeois, ni même des gens de Calais, mais une pièce de l’histoire de France, une de ses manières nobles et cependant pleines de défauts qu’il ne faudrait jamais recouvrir d’un présent de circonstances bavardes.
Crédit image : Boca de Lobo
Comprehensible d actualite .Bon ecemple. A plus