Nous vivons des temps absolument dégoûtants

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Nous vivons des temps absolument dégoûtants.

Parce qu’elles sont d’élaboration facile au sein d’officines de communication, d’esprits faibles ou mal-intentionnés, et qu’elles s’assimilent ensuite sans avoir même fait l’objet d’une simple mastication, les oppositions à la fois stridentes et factices constituent maintenant la base alimentaire d’un citoyen dispensé du plus élémentaire de ses devoirs : celui de consentir de façon éclairée à l’existence des autres.

Les exemples de ces oppositions qui servent à vendre du papier ou acquérir notre vote pullulent à un tel point sur internet qu’il est acquis que le réseau des réseaux aura dépassé, sans même s’en apercevoir, sa fonction obtuse d’offrir à l’envi le moteur deux-temps de la pornographie, pour remplir un rôle autrement plus nocif, celui de diffuser en masse une pensée dont la simplicité bavarde et contributive est, en soi, pornographique.

A cet égard, je dois avouer être assez fasciné par les convulsions de plus en plus violentes de larges communautés d’idiots. Celles qui paraissent entièrement animées autour de luttes incompréhensibles, qui se veulent originales, (le « système », « l’empire », le « sionisme », etc. ) et de distinguos obscurs (« illuminati » contre « indignés »). Celles qui se rassemblent autour d’agités ineptes à la Dieudonné ou Soral.

Nous pouvons regarder cet état de fait avec la curiosité du spectateur d’un épouvantable accident de la circulation, conséquence naturelle de l’accroissement du trafic des idées et du commerce des hommes. J’affirme qu’il serait utile de maintenir une pression suffisante dans notre capsule, et de ne pas capituler sur nos appuis : une proportion de plus en plus grande de la population française subit l’aliénation de théories abracadabrantesques. Le problème risquant de relever de la salubrité publique, j’ai du mal à nous exonérer, et je parle de ceux qui ont une quelconque influence sur la conversation nationale, d’une responsabilité collective à l’apparition de ce lumpen-prolétariat des idées.

Je parlais plus haut des oppositions factices, un historien pourrait à mon sens qualifier la conversation d’une époque de par les choix qu’elle fit d’opposer tel concept à tel autre. J’imagine pour prendre un exemple que cet historien tiendrait en haute estime l’époque qui n’aura pas choisi de mettre la science en face de l’éthique, considérant à juste à titre que la véritable copule serait celle de la technique s’opposant à la pensée en général. J’y reviendrai.

Il est acquis que les temps sont difficiles, et il est évident par conséquent que la tentation est grande de frapper fausse monnaie : le plus endogame des souverains connaît cette manière de conserver le pouvoir. Cependant même un forfait si élémentaire demande son écot de ruse et d’ouvrage : hormis dans des pays dont il est à peine nécessaire de retenir le nom, personne ne pense possible de contrefaire systématiquement la science ; quant à l’émission de mensonges idéologiques, celle ci aura été rendue fort contrainte par les écroulements successifs des systèmes tragiques du siècle dernier. Que reste-t-il donc au malfaiteur ?

Il lui reste la méthode bien connue du seigneuriage ; celle qui consiste à dégrader par abrasion une théorie vivante en son ersatz calcifié, ce dernier se prêtant alors au jeu de sa falsification. La science est assimilée à la technique et le moindre téléphone devient révolutionnaire, au même titre que la théorie de la relativité ; l’éthique est projetée entière sur le plan de la posture morale.

Et la vie se simplifie pour le pouvoir politique en place. Il devient par exemple un jeu d’enfant de voter l’article 20 de la loi de programmation militaire, comment le camp de la morale pourrait-il voter des lois liberticides ? Il devient possible d’évoquer une réforme fiscale en évitant le vrai sujet de la réduction de la dépense publique, bon sang ne saurait mentir. Il devient légitime de pénaliser les clients de prostitué(e)s sans s’intéresser plus avant à l’impact de la loi sur la réalité des trafics, la morale étant du bon coté. Il est élémentaire de voter le mariage pour tous en s’abstenant de faire le travail d’analyse de ses conséquences quant à l’adoption qui, elle, relève de la décision collective.

Je n’ai pas dit que je désapprouvais l’ensemble des réformes mentionnées ci-dessus (le mariage pour tous était, notamment, une évidence) mais je crois important de rétablir pour ceux qui y participent, une certaine forme d’honnêteté dans le discours public. C’est une des conditions première du maintien d’une cohésion individuelle plus intime, qui soit exempte de fantasmes. L’hygiène vise à établir l’existence d’une hiérarchie entre les idées : celles qui exigent l’exercice patient de la pensée sont supérieures à toutes les autres. La science est supérieure à la technique, l’éthique est supérieure à la morale, le fait de lire est supérieur au visionnage de vidéos, etc.

A la lecture des commentaires du moindre article polémique du Monde, pour ne pas parler des commentaires des fans de Dieudonné ou Soral sur a peu près n’importe quoi, il est évident que le royaume a vu prospérer quelque chose d’insalubre contre lequel il s’agirait de lutter. A ce prix nous pourrons cesser d’être ressortissants d’un pays qui a cru bon de faire, par le biais d’oppositions artificielles, du service public le patrimoine des pauvres, et de la morale, la sagesse des simples.

Crédit image : Le Figaro

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