Qui veut le bien d’autrui devra le faire dans ses détails minutieux, vouloir le bien en termes généraux est la marque des hypocrites et des incapables. Par ces mots William Blake remettait en place les prétentions de son temps, la remarque est toujours valable. La poursuite morale ne peut faire l’économie de calculs subtils : le financement de tel programme médical ne viendra-t-il pas affecter le régime de santé d’un pays jusqu’à augmenter la mortalité générale comme cela s’est produit au Botswana ?

Faire le bien, mais le faire dans les détails, s’inquiéter donc des conséquences, et des conséquences des conséquences, chacun sait qu’on est bien incapable d’aller assez loin dans le labyrinthe. Il ressemble aux pourquois enchainés de l’enfance, qui seuls cessaient devant une ignorance métaphysique qu’on appelait dieu, ou qu’on refusait de nommer. Les processus divers, ceux de l’élection et du débat, partirent de l’idée que l’homme était à l’image imparfaite de dieu, être vil sauvé par le verbe, et donc par la parole pourrait-on trouver, par moyenne et par lenteur, une vérité qui nous concerne. Telle est l’alternative que l’on ait élaborée à la foi, bien qu’elle en relève : l’action délibérative des hommes créés à l’image de dieu.

A la différence des aventures professionnelles, dont la poursuite est le profit ou le statut, et le succès défini plus simplement, la recherche du bien bute toujours, dans le marais des conséquences, sur le sol dur de la foi ou bien du doute admis avec humilité – ce qui est la même chose. Bientôt il s’agit de trancher et de dire : je crois qu’on puisse négliger les effets ultérieurs dans le calcul du bien, je crois qu’on puisse se contenter du résultat partiel. Et peut-être est-ce vrai, mais la réponse ressemble à une prière exaucée.

Le monde philanthropique est un monde religieux qui s’ignore, qui se refuse plutôt, puisqu’il se substitue à la délibération politique. Bernanos était furieux des facilités de pensée d’une société athée qui s’efforce vers le bien et qui « prétende exiger de l’homme moderne, aussi longtemps qu’elle n’aura pas mis au point ses propres méthodes, la pratique des vertus chrétiennes. Cette hypocrisie me dégoûte.” Peu importe le texte des acteurs qui nous séduisent, la pièce philanthropique, la pièce entière, se déroule sous le ciel de la foi et du doute.

Crédit image : inconnu