
Dans la critique de la faculté de juger, Emmanuel Kant conclut que les êtres vivants ne pourront expliqués uniquement par une causalité mécanique ce qu’il résume en une phrase devenue célèbre : « il ne sera jamais donné de Newton du brin d’herbe. ».
La raison philosophique – celle qui fait peur à l’heure d’une autonomie éventuelle de la machine – est que l’être vivant soit « à la fois cause et effet de lui même », cette circularité ajoutant un surplus à toutes les déterminations externes, et ne pouvant être expliquée par elles.
La physique procède fort souvent d’une accumulation de faits, dont elle constate des lois de comportement, pour finir par trouver un principe explicatif.
L’astronomie par exemple commence par les observations de Tycho Brahé, se poursuit par les faits stylisés de Johan Képler, et s’achève par les principes variationnels d’Isaac Newton et d’Albert Einstein – et soit dit en passant à l’époque de Képler on n’était pas stupide au point de s’inquiéter d’une « bulle de l’astronomie » – inintéressant hochet du commentariat contemporain – on savait que cette aventure n’avait pas de prix.
Le développement de la science de l’intelligence artificielle semble plus proche de la biologie que de la physique. Comme il n’existe pas de Newton du brin d’herbe, il n’existera sans doute pas non plus de Newton du LLM, et si il n’existe pas de Newton du LLM, il est douteux qu’on trouve aussi un Kepler du sujet.
L’avantage est à Tycho Brahé, soit qu’il observe les masses de données fournies par les utilisateurs des réseaux à la Google, où bien qu’il construise un entonnoir de capteurs d’information physique, comme l’imagine, entre autres, Yann LeCun.
L’absence de lois générales donne une direction de voyage, et une idée des méthodes, celle où de nouveaux outils sont inventés, puis testés dans un impitoyable processus darwinien auquel le capitalisme participe.
Crédit image : Godfrey Kneller