
Le monde est plié c’est à dire qu’il rapproche des concepts sans rapport évident, et sur cette base fait une société. La liberté, l’égalité, et la fraternité forment la pliure républicaine, l’alliage était nouveau, et succédait à celui de la naissance et de la grâce, qui faisait la pliure royale.
L’homme qui vient de naître, roi qui lit peu, celui qui ne connaît rien de son histoire s’imagine qu’on puisse laisser les draps bien lisses. Quand il y dort, se retournant sans cesse, découvre-t-il au réveil qu’ils se froissent et qu’il ne peut s’y glisser sans qu’ils prennent sa forme. Le vaste monde est trop vaste sans les plis, on y resterait éveillé d’angoisse face à l’infinité d’objets.
Pour des raisons de nécessité – il faut bien manger, il faut bien qu’on achète et qu’on vende – on a cru que ces pliures avaient un sens, la liberté allait avec l’égalité : quelqu’un déciderait de pétrir le pain, et le boulanger n’imaginait pas devenir plus que son client.
Or ces pliures sont insensées, ces pliures sont faites au grand hasard : la race fut pliée sur la citoyenneté, en d’autres lieux on plia le capitalisme sur l’autocratie, la science fut une poésie ou bien une tyrannie. L’impression de logique vient de l’inertie du monde et d’une vie à la durée trop courte.
Il est des pliures qui ne changent, dont les bords se sont trouvés par une affinité de molécule au sein de longues protéines : quelques religions, quelques instincts sur lesquelles elles furent construites, autant de plis.
Mais la plupart des pliures se déploient et au moment même où l’on atteint son calme, le monde se déplie et se replie sous d’autres angles. À quoi s’habituer? À voir le monde se déployer. À quoi s’attendre ? À le voir se replier et n’être dupe qu’à demi des plis de l’époque.