
Le méchant de jeu de massacre s’épuise. Je sens qu’on a moins le coeur à dévaluer les oeuvres du passé. Et tous les chagrins sans talents qui s’efforcent de trouver défaut aux frères vivants qui avant nous vécurent, faisant de leurs tares ou bien malgré elles, des tableaux puissants ou des textes inoubliables, tous les critiques n’ayant rien su de la difficulté de vivre se taisent un peu, fatigués de leurs recettes un peu.
La radio m’a donné ce matin un indice. On y jouait l’extrait d’un discours de Charles De Gaulle qu’il prononça en 1965. Malraux s’y tient à ses côtés. De Gaulle dit que la culture domine tout, et puis il ajoute que la création a quelque chose d’émouvant, et pour tout dire, ajoute-t-il presque par surprise, quelque chose d’encourageant.
C’est le deuxième adjectif qui m’émeut. Voilà une fonction de l’artiste qui les vaut toutes : créez donc après moi puisque cela me fut possible.
Les gens qui manquent d’imagination se figurent qu’aux ténèbres succèderaient la lumière, puis celle ci aux ténèbres. L’encouragement ne me paraît pas aussi facile : on ajoute à la somme et ce qui était se dilue dans un ensemble plus vaste de richesses ambigües.
Les objets s’accumulent. Nous n’en ferons pas le tri, mais nos enfants après nous, à la manière d’une vérité qui s’échappe dans le futur. Le courage est d’avoir ajouté.